« Je ne suis pas fâchée, tu sais », comme un enfant dirait à un autre: « Même pas mal ! » Cette affirmation peut cacher bien des sentiments…
Une personne empathique a tendance à prendre sur elle pour ne pas accabler l’autre. Oui, mais que cache ce don de soi ?
« Je ne suis pas fâchée, tu sais », « Ce n’est pas grave », « Je ne t’en veux pas »  sont autant de formules que j’emploie au quotidien ou que j’entends autour de moi. Bien souvent, elles concluent un épisode de frustration qui ressemble en substance à ceci : « Mon chéri, tu as oublié d’acheter le gâteau au chocolat pour nos invités et je vais devoir prendre la voiture pour aller à la boulangerie, un samedi matin, alors que j’espérais nettoyer la maison et préparer le repas pour nos invités ce soir… Ce n’est pas grave », ou encore « Martin, tu as laissé la lumière allumée et tu étais le dernier à sortir de la maison. La cage d’escalier est restée éclairée toute une journée pour rien.  … Ce n’est pas grave, maman n’est pas fâchée. »
Ce genre d’exemple illustre un comportement positif en ce sens qu’il est préférable de conclure l’épisode sur ces mots « ce n’est pas grave, je ne suis pas fâchée » plutôt que de s’énerver et d’exploser comme une marmite sous pression pour une simple histoire de gâteau au chocolat ou de lumière allumée.  Certes.
Et pourtant, depuis quelques temps, ces quelques mots m’exaspèrent. Je me suis donc penchée sur ce qu’ils cachaient et sur ce par quoi il conviendrait de les remplacer.

« Une personne empathique a tendance à prendre sur elle pour ne pas accabler l’autre »

Une marmite qui explose, c’est une marmite dont la pression est montée. Indéniablement. La pression est montée parce qu’il y a eu un sentiment de frustration ou de colère, d’injustice, d’incompréhension ; un sentiment négatif en tout cas.
Dans pareil cas, l’attitude qui nous vient des tripes ne serait-elle pas de dire : « Mon chéri, je suis en colère contre toi car je me sens dépassée par les événements et j’ai besoin de savoir que je peux compter sur toi. » ou encore « Martin, ce n’est pas la première fois que je te demande d’éteindre la lumière lorsque tu sors le dernier de la maison et cela me rassurerait de savoir que ce que je te demande fait sens pour toi. »
Accueillir l’émotion qui nous vient des tripes et parvenir à l’exprimer sans violence est l’objectif idéal à atteindre. C’est le but avoué de la communication consciente et non violente (CNV).
Or c’est un objectif qui se travaille et un sommet qui se gravit échelon par échelon.
Un échelon important est bien-sûr de reconnaître qu’il n’est pas opportun de se déchirer – en famille, entre amis ou entre concitoyens – pour des broutilles, comme je qualifie les éléments qui ne sont pas d’une importance vitale. Oui, ne pas se laisser emporter est un excellent début.
Toutefois il ne faut pas négliger un échelon capital: celui de s’autoriser intérieurement à avoir un sentiment de colère ou de
frustration. De le laisser monter depuis les tripes et de s’isoler un moment pour crier imaginairement dans son esprit ou pour pleurer imaginairement dans son cœur ou pour frapper du poing imaginairement sur la table !

« Ne pas se laisser emporter un excellent début »

Répondre que ce n’est pas grave en vue de soulager l’autre est une belle preuve d’amour et d’altruisme. Mais ces mots sont-ils toujours vrais ? Ne serait-il pas plus vrai de répondre « Je suis en colère contre toi. Cela ne veut pas dire que je ne t’aime pas. Cela ne veut pas dire que tu seras puni. Je t’aime et il est acceptable de faire des erreurs. Néanmoins j’ai besoin d’être honnête envers ce que je ressens. »
La pensée même de parvenir à m’exprimer ainsi me soulage. Et vous, qu’en pensez-vous ?
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